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Par Vincent Girard
Publié le 18 mars 2025 WIDER MAGAZINE
Redonner aux sherpas toute la considération qu’ils méritent et leur place dans les exploits de l’Homme en Himalaya. Dans cet ouvrage signé Bernadette McDonald, l’autrice lève le voile sur le destin de ces hommes de l’ombre, de leurs exploits méconnus et de leur place centrale dans l’héritage de l’alpinisme.
Le 3 juin 1950, Maurice Herzog et Louis Lachenal atteignent le sommet de l’Annapurna. C’est la première fois que l'on pose le pied sur le toit d’une montagne de plus de 8 000 mètres. L’exploit a fait du Français l’un des noms les plus éminents de l’alpinisme mondial, mais il a aussi vite effacé les mérites des sherpas qui ont accompagné l’expédition, dont Ang Tharkay qui suivit les deux hommes jusqu’à 7 500 mètres. Comme l’explique Bernadette McDonald dans l’ouvrage "Les vrais héros de l’Himalaya" (Editions du Mont-Blanc) sorti il y a quelques jours, la relation entre les alpinistes occidentaux et les sherpas a toujours été un mélange de respect et de déférence les uns envers les autres, mais également de soumissions aux relents coloniaux. Lors de l'expédition de 1950, le sherpa Ang Tharkay explique s’être senti profondément honteux de ne pas avoir pu accompagner Maurice Herzog et Louis Lachenal au-delà des 7500 mètres, la faute à des gelures qui le guettaient depuis plusieurs heures déjà.
"Pour Ang Tharkay, les gelures étaient synonymes d’incapacité de travailler, et donc de nourrir sa famille" éclaire Bernadette McDonald dans cet ouvrage particulièrement fouillé. "À l’époque, le dédommagement pour une amputation ne dépassait pas 10 roupies par doigt ; pour le décès d’un homme marié, il était de 1 000 roupies, et pour un célibataire, 500 ; pour une femme, mariée ou non, le tarif était de 500 roupies." Si Ang Tharkay renonce par prudence et par nécessité pour éviter toute incapacité de travailler, c’est bien lui et les autres sherpas de l’expédition qui aideront les deux Français ainsi que Lionel Terray à rejoindre les différents camps de base alors que les Européens n’étaient plus en mesure de le faire seul, au point qu’Herzog et Lachenal ne pouvaient même plus marcher par leur propre moyen. "Les alpinistes français s’agrippèrent à leurs compagnons sherpas, bien plus petits qu’eux, qui les traînaient et les faisaient glisser comme ils pouvaient". Les deux hommes furent ramenés en lieux sûrs aux prix d’énormes efforts des sherpas, à travers les forêts des basses terres népalaises, pendant que le médecin Jacques Oudot amputait progressivement les doigts de pieds et les doigts des mains d’Herzog et Lachenal.
Pour réaliser son ouvrage, Bernadette McDonald (autrice canadienne et ancienne directrice des festivals de montagne de Bannf) a eu un accès direct et sans précédent aux alpinistes et à leurs familles. Avec l’aide de chercheurs du Pakistan et du Népal, elle dévoile l’histoire d’Ang Tharkay, de Balti, de Ladakhi, d’Hunza, d’Astori, de Magari, de Bhotia, de Rai de Gurung ou encore de Muhammad Hussain, surnommé "Little Hussain" et qui a sauvé six vies et rapatrié sept corps abandonnés en haute altitude. Un énième exemple de ces sherpas souvent prêts à sacrifier leur vie pour aider les Occidentaux dans leur quête d’aventures et de sommets.